Abaques
La petite histoire
Comprendre simplement
Domaines de présence
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Mais encore …
by Pepe ©
 
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La petite histoire  Up Page
Découvertes et interprétations
La plupart des 29 abaques connus à ce jour ont été découverts lors de fouilles archéologiques, et quelques-uns l'ont été par des épigraphistes qui les ont repérés à ciel ouvert.
Le plus ancien et le plus connu, celui dit de Salamine, a été trouvé dans cette île en 1845 par Alexandre Rangavis.
Plusieurs autres ont été exhumés vers 1925 par B. Léonardos, qui fouillait l' Amphiareion (le sanctuaire d'Amphiaraos), dans la région d'Oropos dont ils ont reçu le nom, à une quarantaine de kilomètres au nord d'Athènes.
 
Deux autres, dits de Goritsa, ont tout simplement été trouvés à l'air libre en 1971 par G. Te Riele, de part et d'autre d'une route lors des fouilles de cette citadelle antique qui dominait la baie de Volos.
 
On peut noter aussi que le plus intéressant des abaques d'Erétrie était devenu un moellon dans une maison de cette localité, où il a été repéré en 1908 par Erich Ziebarth qui en a réalisé un estampage. Bien lui en a pris, car la maison a disparu, et l'abaque avec elle !
 
Quant à l'usage de ces pièces comme "machines à calculer", peu d'archéologues ou d'épigraphistes en doutent actuellement. Rangavis y avait pensé après sa découverte, tout en envisageant plus fortement l'usage de son abaque comme table de jeu. Mais la question a été tranché dès 1887 par Nagl, sur la seule base de l'abaque de Salamine, puis en 1914 lorsque cet auteur a eu connaissance de l'abaque de Minoa. Depuis lors, seul Pritchett, dans les années 60, a défendu l'usage comme table de jeu, en faisant peu d'émules. Son argument, c'était que plusieurs de ces pièces avaient été trouvées près de sanctuaires, et que des sources littéraires anciennes mentionnent justement que des jeux étaient pratiqués dans ces enceintes. Mais Immerwarh, en 1986, a utilisé le même argument pour souligner que les sanctuaires grecs jouaient le rôle de banques, puisqu'ils prêtaient de l'argent et pratiquaient le change, ce qui permet d'identifier les pièces en question comme des tables à calculer.
 
A l'appui de cette interprétation, on encore faire appel à la littérature classique, d'où il ressort que les anciens Grecs effectuaient leurs calculs précis sur des abaques, et que ceux-ci étaient pourvus de colonnes. Ou constater l'analogie des pièces grecques avec les abaques portatifs romains en bronze, dont la fonction de calcul ressort de gravures dans le métal, qui définissent leurs colonnes. Ou enfin constater que sur les pièces portant des inscriptions numériques, celles-ci sont toujours constituées de la série classique des chiffres monétaires (en général de mille drachmes aux fractions de l'obole), ce qui permet de dire qu'on y comptait de la monnaie.

Comprendre simplement  Up Page
Aucun mode d'emploi
Les abaques retrouvés sont des plaques ou des blocs de pierre rectangulaires, dont la face supérieure est aménagée en plateau, strié de lignes régulièrement espacées dans le sens de la largeur.
La littérature, première source d'information disponible, n'apporte hélas aucun renseigements sur la manière d'utiliser un abaque. Elle nous apprend seulement _ à travers plusieurs auteurs classiques_ qu'on y effectuait un calcul en déplaçant des "pséphoï", c'est-à-dire des galets, que l'on peut imaginer ronds et plats (ou jetons). Seul Hérodote donne une petite indication supplémentaire: les Grecs effectuaient leurs calculs de gauche à droite, ce qui est le contraire de notre pratique. Démosthène ajoute une modeste contribution, en déclamant une multiplication dans un de ses discours, qui confirme le début à gauche...
 
Deux modèles différents
On constate d'abord que le fondement de ces "machines à calculer", c'est leurs colonnes: une pour les unités, une pour les dizaines, une pour les centaines, et ainsi de suite. Un jeton placé dans la colonne des unités représente "un", et le même placé dansla colonne des centaines représente "cent".
La comparaison des abaques porteurs de chiffres _certains n'ont que des colonnes_ montre ensuite qu'ils étaient de deux types différents, avec un point commun inattendu: le recours aux jetons quinaires. C'est-à-dire que dans une colonne on représentait une quantité de 1 à 4 par autant de jetons valant un, mais qu'à partir de 5 on utilisait un jeton valant cinq, que nous appelons pour cette raison quinaire.
 
Le nombre 64 593 sur un abaque à colonnes alternées, à l'image de celui qui a été trouvé à Minoa, dans l'île d'Amorgos.
 
Le même nombre 64 593 sur un abaque à colonnes décimales, à l'image de celui qui a été trouvé à Erétrie, dans l'île d'Eubée.
 
Ce qui conférait alors la valeur 5 à un jeton quinaire, c'était sa position. Et c'est là que se distinguent les deux types d'abaque: les uns comportent une colonne quinaire à gauche de chaque colonne de base (on les appelle à colonnes alternées), et les autres ont un emplacement quinaire à la tête de chacune de ces colonnes (on les dit à colonnes décimales).

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Les échos romains et médiévaux
On retrouve chez les Romains, quatre abaques portatifs en bronze, qui donnent une bonne illustration du ma maniement en colonnes décimales. Ils sont pourvus de jetons qui coulissent dans les rainures, et dont le nombre nous est ainsi connu; et ils portent d'autre part une gravure sur chaque colonne, qui dit la valeur des jetons attachés à cette colonne, en l'occurence un, dix, cent et ainsi de suite.
Du fait que le bas de colonnes ne comporte que quatre jetons, le haut n'en comportant qu'un, ces pièces sont une parfaite illustration des colonnes décimales avec une position quinaire en tête de colonne.
 
Plus près de nous, les abaques à lignes du Moyen-Age et de la Renaissance montrent, à travers des ouvrages du XVe et XVIe siècle, comment effectuer une opération en colonnes alternées. Ils recourent aux jetons unitaires sur les lignes, et aux jetons quinaires entre celles-ci: la transposition vers l'abaque grec à colonnes alternées est alors immédiate.
 
Les sources littéraires présentent en outre un grand choix de variantes, non seulement pour l'additionmais encore pour la soustraction et la multiplication. Il s'agit, ensuite, de se demander ce qui est plausible pour un Grec calculant sur son abaque.
 
La numérotation acrophonique
Tous les abaques grecs pourvus de chiffres, sauf un, recourent à la numérotation acrophonique (l'exception est constituée par l'abaque de Laurion, dont les chiffres sont alphabétiques). Dans cette numérotation, les chiffres quinaires sont une sténographie: 50, par exemple, s'écrit sous la forme d'un 5 à l'intérieur duquel est dessiné un 10. Les chiffres eux-mêmes _en toute rigueur, on devrait parler de lettres numérales_ sont parlants: M est l'initiale de Murioï (10 000), X est l'initiale de Chilioï (1 000), D est l'ancienne de Déka (10), et enfin, qui est un p écrit à la manière ancienne, est l'initiale de Penté (5).
Lorsque l'unité est la drachme, elle est parfois dessinée. Cela laisse le trait simple disponible pour l'obole, qui est parfois aussi représentée par son initiale.
 
Les chiffres effacés
La datation des 29 abaques retrouvés en Grèce par les archéologues couvre une période de six siècles, du Ve av. J.-C. au Ie de notre ère. Il n'est alors pas étonnant que très peu se ressemblent. Certains n'ont que des colonnes neutres, c'es-à-dire dépourvues de chiffres. Et parmi ceux-ci, il en est qui comportent, le long d'un côté, une série constituée de chacun des chiffres arcophoniques, en ordre décroissant L'un d'eux _trouvé à Salamine_ comporte même trois de ces séries.
D'autres n'ont au contraire qu'une série du genre, sans colonnes, largement gravée sur un bord, et laissant supposer que ses éléments sont les têtes de colonne quiauraient été effacées. Plusieurs enfin ne sont que des fragments. Une étude approfondie, et les avis de plusieurs épigraphistes, ont amené à considérer que ces abaques appartenaient tous à l'un des deux types mentionnés précédemment. Et que ceux à qui "il manque quelque chose" _ce qui fait hésiter entre un type et l'autre_ avaient selon toute vraisemblance ce "quelque chose" peint: des chiffres en tête des colonnes qu'on a retrouvées neutres, ou des lignes déterminant les colonnes qui semblent avoir été effacées. Quant aux séries qu'on voit sur les côtés des abaques à colonnes neutres, ce seraient des abaques secondaires, destinés à y poser un nombre. Par exemple un facteur de multiplication.
 
Esquisse d'un abaque typique à colonnes neutres avec une série de chiffres: le mieux conservé de ceux trouvés à l'Amphiareion, dans la région d'Oropos. La fin de la série, après le P, est constituée de la drachme, puis de l' obole (un sixième de l'obole), de la demi-obole, du quart d'obole, et du chalkous (un huitième d'obole). Les petites colonnes, à droites, servaient vraisemblablement à calculer dans ces subdivisions de la drachme. Faute de chiffres peints en tête des colonnes, on ne peut pas dire selon quel type cet abaque était utilisé, mais sa série latérale incite à penser que c'était en colonnes alternées.
 
Esquisse d'un abaque typique dont les colonnes ont vraisemblablement été effacées: celui trouvé à l'Acropole d'Athènes. La fin de la série, après le P, est constituée de la drachme, puis de l'obole (sous une autre forme qu'à Oropos), de la demi-obole, et d'un signe non identifié. La présence de chiffres quinaires, qui alternent avec les chiffres de base, indique que l'abaque était en colonnes alternées

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Je crois que, si les êtres humains que nous sommes ne parviennent pas toujours à évoluer comme ils le souhaiteraient _à s'épanouir professionnellement, sentimentalement et sexuellement (ce que j'appelle les "trois pôles d'intérêts", en psychologie)_ c'est parce qu'il y a des barrages qui entravent leur désir d'accéder à un rêve inachevé. Je pars du principe que tout est possible, à condition de s'entourer de gens qui nous poussent à croire en nous.
 
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Le jeton quinaire
Une des données les plus frappantes de l'arithmétique des anciens Grecs est l'usage de quinaire: les jetons quinaires sur leurs abaques, et les chiffres quinaires dans leur numérotation acrophonique. Les Romains ont fait de même par la suite, tant sur leurs abaques que dans leur numérotation. Et le jeton quinaire a survécu longtemps, puisqu'il était encore présent sur les tables à calculer de la Renaissance. Mais d'où vient cette idée, qui consiste à donner un rôle privilégié à la valeur 5 alors que l'on compte en base 10 ? Il semble bien que ce soient les Grecs qui aient commencé, puisque les Egyptiens l'ignoraient.
Parmi les réponses proposées _comme l'évocation du "génie grec" par le célèbre épigraphiste Guarducci_ il en est une qui semble plus plausible que les autres. Les Grecs auraient constaté qu'on ne peut pas dénombrer d'un coup d'oeil _donc sans les compter_ plus de quatre objets alignés. Cet expérience qu'on peut faire dans notre vie quotidienne et qui trouve son illustration dans la manière de compter les points dans de nombreux jeux: au lieu d'aligner des coches à l'infini _ce qui nécessiterait de les compter à la fin du jeu_ on fait des groupes de quatre coches, qu'on marque en traçant la cinquième coche en travers. le groupe en question est tout simplement un quinaire !
Les Egyptiens avaient certainement constaté le phénomène. leur numérotation était en effet constituée uniquement de chiffres de base (1, 10, 100, etc.), ce qui faisait que dans l'écriture d'un nombre on pouvait avoir jusqu'à neuf chiffres identiques, évidemment impossibles à dénombrer d'un coup d'œil. Leur astuce _qui montre qu'ils avaient conscience du phénomène_ consistait à ne pas aligner plus de quatre chiffres identiques. Lorsqu'ils en avaient sept, ils en alignaient quatre et écrivaient les trois autres un rang au-dessus; et lorsqu'ils devaient en faire figurer neuf, ils les séparaient en trois rangs superposé de trois chiffres chacun.